Une semaine, une espèce !

Semaine 1, 2016.

Rhabdophis tigrinus (Boie, 1826)



Vous avez probablement déjà entendu ou vu, la plupart du temps en Anglais, des gens râler en disant qu'on ne dit pas "Poisonous snake" mais "Venomous snake" ? Et ben sur internet, en réaction à ces propos on peut parfois trouver ce meme :



En effet, Rhabdophis tigrinus est la seule espèce du monde animal à être venimeux et vénéneux à la fois.



Originaire de l'est de l'Asie (Taiwan, Chine, Corée du nord et du Sud, Japon), ce serpent est très proche morphologiquement de notre Natrix natrix (Il fut d'ailleurs il n'y a encore pas si longtemps nommé Natrix tigrina). De taille moyenne (90/100 cm en moyenne) ce serpent arbore de magnifiques couleurs qui font tourner la tête à pas mal de terrario. En particulier la sous espèce Rhabdophis tigrinus tigrinus (Première photo de ce message) qui voit son vert s'arrêter un peu avant le cou pour laisser la place à du orange feu et du jaune. La sous espèce Rhabdophis tigrinus formosanus n'en reste pas moins magnifique avec ses motifs en damier. Rhabdophis tigrinus lateralis n'est pas mal non plus me direz vous !

Rhabdophis tigrinus formosanus



Rhabdophis tigrinus lateralis



Comme Natrix sp. ils se nourrissent principalement d'amphibiens mais également de poissons et parfois d'autres serpents. Rarement de mammifères cependant. Vous ne serez donc pas étonnés d'apprendre qu'ils vivent en milieu humide, près de ruisseaux, de rivières en montagnes etc... Fait donc pas toujours très chaud pour eux.

Leurs moyens de défenses sont nombreux. Comme indiqué plus haut, cet animal est le seul à être venimeux et vénéneux. Ce serpent est un Natricidae opisthoglyphe, donc venimeux, mais qui (selon son aire de répartition comme nous le verrons plus bas) secrète une substance toxique via ses glandes nucales (sur le cou). Cette toxicité exogène (provenant d'une source extérieure) est due à son alimentation, essentiellement composé de crapauds du genre Bufo. Les Bufadienolides sont ensuite stockées dans les glandes nucales qui sécrètent un liquide lorsque le serpent est attaqué. Cette substance irrite les muqueuses et accélère le rythme cardiaque.

Sur cette photo on aperçoit bien les glandes nucales, remplie de poison.



A noter que sur l'île de Kinkazan au Japon, où les crapauds sont absents, les spécimens de Rhabdophis tigrinus préfèrent la fuite, ne possédant pas ce moyen de défense si particulier. Ce qui n'est pas le cas pour les autres, qui n'hésitent pas à rester sur place en cas d'attaque.

Alors on voit pas mal de photos ont des particuliers manipulent leurs Rhabdophis comme de la gutt. Ben ouais hein, c'est pas dangereux, c'est juste ophitoglyphe quoi. Et qu'est-ce qu'il en est du venin au fait ? C'est très simple, Rhabdophis sp. fait partie des quelques opistho véritablement dangereux et capables d'envenimation mortelles, au même titre que Dispholidus typus, Thelothornis sp. et Philodryas olfersii.

Pas mal importés aux USA en guise de "serpent jarretière Asiatique", l'ignorance de sa dangerosité à causé plusieurs urgences médicales et quelques décès (Rhabdophis subminiatus également). J'insiste donc sur le fait qu'IL NE FAuT PAS MANIPULER CE SERPENT A MAINS NUES.
Le fait est que le venin hémotoxique est très potent in vitro (comme beaucoup d'ophistoglyphe d'ailleurs), mais chez ce serpent le moyen d'inoculation est tout à fait efficace grâce à des crochets très grands situés, comme chez tous les opisthoglyhes, à l'arrière du maxillaire... Mais le maxillaire est ici très court, plaçant les crochets bien moins loin dans la mâchoire qu'on ne pourrait l'imaginer.



Il s'agit donc d'une espèce dangereuse. Aussi bien d'un point de vue scientifique que législatif, l'arrêté du 21 novembre 1997 n'ayant pas omis ce serpent de sa liste. Les effets sont : Coagulopathie, hémorragie abondante, Hypofibrinogénémie, CIVD (Coagulation intravasculaire disséminée) et autres joyeusetés classiques.
Mais bon rassurons nous, ce serpent coiffe parfois avant d'attaquer !



Et en captivité ? Ben ouais, y en a. Les reproductions ne sont pas courantes, mais ça arrive. J'ai même failli en avoir il y a quelques mois.

Je fais court, je suis feignant ce soir. Vos questions sont les bienvenues !

Semaine 02, 2016.

Thalesius viridis (Werner, 1924)



Nous voici en Guyane donc ! Le plus grand département Français, son "enfer vert", ses magnifiques espèces, toutes protégées et soumises à CDC & AOE   (Exception faite pour Boa constrictor et Iguana Iguana… et peut-être quelques autres d’ailleurs)

Cette espèce était il y a peu encore appelée Xenodon werneri en l'honneur de son découvreur. Sa présence au Surinam était incertaine jusque là mais visiblement quelques spécimens ont été collecté. Sa présence au Guyana reste envisageable (Starace 2013), faisant de ce serpent une espèce endémique des Guyanes

Il ne s'agit pas de vous prendre pour des buses, mais j'ignore ce que mes lecteurs savent ou pas, donc je vous situe quand même la/les Guyane(s)



Malins comme vous êtes, je suis sûr que vous aurez remarqué ce fort mimétisme avec l'un des magnifiques Crotalinae vivant dans le même coin, Bothriopsis bilineata bilineata.

Bothriopsis bilineata bilineata



Thalesius viridis



Pourtant, ce dernier est une espèce arboricole bien comme il faut, alors que notre Dipsadidae n'évolue qu'au sol et bien rarement en hauteur. Il est même probablement semi aquatique. De taille moyenne (entre 100 et 150 cm environ), ce serpent à une livrée caractéristique: La face dorsale est vert/turquoise et chaque écaille possède de petites taches grises foncées/noires. Les écailles labiales sont jaunâtres et le ventre est crème/jaune. Les mâles ont généralement une queue plus longue (14 à 16% du corps contre 12 à 14 % pour les femelles).



Son alimentation est composée d'amphibiens qu'il trouve sur les sols des forêts primaires et à proximité des cours d'eau qu'il fréquente. Et c'est juste avant, ou juste après un repas que ce serpent est le plus dangereux. Nous sommes bien d'accord, il ne s'agit même pas d'une espèce opisthoglyphe. Aglyphe opisthodonte, Thalesius viridis possède à l'arrière du maxillaire de longs crochets proches des glandes de Duvernoy.  Il y a donc de sérieux risques d'envenimation avec des réactions locales importantes (Paralysie momentanée du membre mordu, incapacité à parler, œdème et induration). La prudence est donc de rigueur. Pourtant dans bien des livres et sur bien des sites on dit de ce serpent qu'il est inoffensif.

Cependant on peut se poser quelques questions sur l'utilité de ce mimétisme :

- Bothriopsis bilineata bilineata, comme ses pupilles verticales le laisse deviner, est un animal nocturne. Thalesius viridis est diurne.
- Bothriopsis bilineata bilineata est arboricole alors que Thalesius viridis est terricole.
- Un tel mimétisme repose sur le fait de vouloir paraître venimeux, alors que même si il y a bien plus dangereux, certains petits prédateurs  peuvent être modérément  envenimés

Pourquoi une telle ressemblance alors ????
Personnellement je penche  pour un manque évident de personnalité et une recherche d’identité. Ouais les serpents aussi ont leurs problèmes existentiels hein…

Enfin une autre différence, mais qui ne rentre pas en compte dans cette histoire de mimétisme : Thalesius viridis est ovipare et Bothriopsis bilineata bilineata est vivipare.



A l'instar de ses cousins du genre Xenodon, ce serpent à la possibilité de coiffer lorsqu'il est acculé. Et de manière générale, ce serpent à un sale caractère il semblerait...

Pour finir il est important de noter que serpent, même dans son aire de répartition, est rare. Mode de vie secret ? Perturbations humaines diverses et variées ?